J'ai souvent des questions de jeunes femmes porteuses d'une CC (ou de mamans de petites filles porteuses d'une CC), qui se demandent si oui ou non elles pourront assouvir un prochain (ou actuel) désir de grossesse.

Chaque cardiopathie est différente cette question est donc complexe et n'a pas de réponse unique!

Pour ma part j'ai eu beaucoup de chance, car ma cardiopathie n'était pas incompatible avec le fait de porter la vie. Mes 4 enfants en sont une belle preuve et un bel espoir pour de nombreuses femmes.

Mais je me suis penchée du coup sur la question et pour de nombreuses femmes ce n'est pas envisageable.

Certaines se tournent vers l'adoption (ce que je prevoyais de faire moi aussi en fait, car les médecins étaient pessimistes quand à ma capacité à mener une grossesse à terme... non à cause de ma cardiopathie, mais à cause des malformations rénales opérées dans mon enfance!), d'autres renoncent, font le deuil de la maternité, sont des tatas formidables, des marraines aimantes, des créatrices de bijoux, de peintures, de petits plats, des poètesses...

Avant la chirurgie cardiaque, les lois de Peter traduisaient le triste sort des jeunes femmes cardiaques : " jeune fille pas de mari, jeune femme pas d'enfant, jeune mère pas d'allaitement ". Quelques décennies plus tard dans les années 1980 de jeunes transplantées cardiaques ou cardio-pulmonaires devenaient mères…

Les progrès de la prise en charge médicale et chirurgicale des cardiopathies ont fait augmenter le nombre des femmes cardiaques en âge de procréer et la régression du rhumatisme articulaire aigu en France a fait augmenter la proportion des malformations cardiaques congénitales par rapport aux cardiopathies acquises.

La plupart d'entre elles, qui ont une cardiopathie mineure ou réparée sans séquelles, peuvent envisager une grossesse avec sérénité. Mais chez d'autres, la grossesse, par les modifications circulatoires qu'elle induit, va comporter des risques potentiels pour la mère et aussi pour l'enfant.

Un bilan préconceptionnel est donc indispensable pour estimer les risques, parfois tellement élevés, qu'ils conduisent le médecin à déconseiller formellement une grossesse. Des risques moindres " autorisant " une grossesse, justifient la coopération des obstétriciens, cardiologues, néonatologistes pour assurer une prise en charge optimale de la mère et de l'enfant.

Dr Michèle Lefevre - CHU Nantes

Conséquences de la grossesse sur le coeur et les vaisseaux :

Le travail cardiaque augmente au cours de la grossesse.

La masse sanguine et les besoins métaboliques s'accroissent, dès le 2è mois le placenta se comporte comme une fistule artério-veineuse, ce qui entraîne une augmentation du débit cardiaque de 30 à 40% maximum au 6è mois de grossesse.

Sous l'effet des hormones, les artères sont dilatées et les conditions circulatoires sont donc également modifiées.

Le retour du sang veineux vers le coeur peut être gêné du fait de la compression des veines abdominales par l'utérus volumineux.

Pendant le travail, les contractions utérines réinjectent dans la circulation un volume sanguin important : 300 à 500 cc, ce qui augmente le débit cardiaque et la tension artérielle.

La douleur qui entraîne une sécrétion de catécholamines augmente elle aussi le débit cardiaque et peut provoquer des troubles du rythme.

Pendant l'accouchement il y a le risque hémorragique à prendre en compte également.

La grossesse favorise les complications thrombo-embolitiques :

Au cours de la grossesse et pendant toute la période qui entoure l'accouchement, il existe une hypercoagulabilité du sang.

Une phlébite, une embolie pulmonaire ou une thrombose au niveau d'une prothèse valvulaire sont susceptibles de survenir.

Pendant la grossesse et l'accouchement il y a également un risque d'infections ; la prévention de l'endocardite doit être scrupuleuse!

Conséquences de la cardiopathie maternelle sur le foetus et l'enfant :

Une mauvaise perfusion de l'utérus et du placenta peut entraîner une hypoxie exposant aux risques de fausses couches, retard de croissance, prématurité, mort in utero.

Un taux de saturation en oxygène de 85% est retenu comme limite inférieure acceptable.

Qu'en est-il du risque de malformation du bébé?

Sur le site CEC (club enfant cardiaque), il est noté que le risque d'avoir un enfant porteur d'une cardiopathie congénitale dans la population générale est de 0.8%, alors qu'il passe de 4 à 5% lorsque la mère est elle même porteuse. Et là encore tout dépend de sa malformation cardiaque.

Le risque est plus élevé dans les cas des obstacles aortiques, canaux atrio-ventriculaires, un peu moins dans les cas de communications interventriculaires, Tetralogie de Fallot, ou transposition des gros vaisseaux.

Par contre la maladie de Marfan (entre autres) présente un risque bien plus important.

En cas de récidive, le bébé à 1 fois sur 2 la même malformation que la maman mais de gravité parfois différente et 1 fois sur 2 une malformation différente.

L'avis d'un généticien est recommandé, ainsi qu'un échocardiographie entre 18 et 20 semaine d'aménorrhée.

Certains traitements maternelles ont des conséquences sur le foetus :

C'est le cas des anti-coagulants ou de certains antiarythmiques.

Donc avant de se lancer tête baissée dans la joie et la bonne humeur dans les "essais bébé", il faut faire un bilan préconceptionnel avec votre cardiopédiatre.

Il s'assurera de votre bonne tolérance à l'effort (grade 1 ou 2), vérifiera votre saturation en oxygène, la contractibilité des ventricules, l'état des valves...

Parfois ce bilan amènera le cardiologue à modifier le traitement ou a proposer une intervention chirurgicale

Cliquez ici pour la classification des cardiopathie en fonction du risque d'une grossesse

Grossesse et cardiopathie congénitale